La peau constitue un système efficace de protection contre les agressions extérieures. Or la peau des bébés présente des caractéristiques particulières. Dans certains cas, ce qui passe pour des anomalies cutanées sont en fait des phénomènes physiologiques d’adaptation à la vie extra-utérine. À la naissance, la peau du nouveau-né est recouverte du vernix caseosa. Il s’agit d’une substance cireuse d’origine sébacée, blanchâtre et grasse. Sa fonction au cours de la gestation est essentielle puisqu’il protège l’épiderme de la peau durant le dernier trimestre et facilite la maturation de la couche cornée de ce dernier. Au moment de la naissance, il permet de lutter contre le dessèchement cutané, il a aussi un rôle hydratant et protège contre les infections en favorisant le développement d’un microbiote cutané ad hoc.
Conserver les protections naturelles
Le rôle du vernix caseosa a probablement été sous-estimé par le passé et les fonctions physiologiques néonatales mal reconnues et mal comprises. Il semble en effet que la toilette précoce prive le bébé des propriétés intéressantes de cette enveloppe. Ainsi, des études ont démontré que s’il n’est pas éliminé dès la naissance, l’hydratation cutanée du bébé 24 heures après l’accouchement est meilleure que chez les bébés pour lesquels il a été enlevé.
Au cours de ses premières semaines de vie, la peau du bébé a une fonction sébacée exacerbée, ce qui provoque souvent des folliculites à Malassezia. Il s’agit de levures commensales de la peau. Elles se développent bien chez le nouveau-né en raison de leur caractère lipophile et kératophile. Ces infections ne sont pas contagieuses. On peut donc être rassurant vis-à-vis de la fratrie ou des proches. On ne peut cependant pas les confondre avec l’hyperplasie sébacée, qui concerne environ 30 à 50% des nourrissons. Celle-ci se manifeste par des lésions blanches ou jaunâtres de petite taille (1 à 2mm) des joues, du nez et de la lèvre supérieure. Ces lésions disparaissent spontanément en quelques semaines. L’hyperplasie sébacée est résolutive d’elle-même après que la stimulation hormonale présente au dernier mois de grossesse ait disparu. On les dénomme parfois sous le vocable d’acné du nourrisson, mais les spécialistes pensent qu’il est préférable de réserver ce terme à la véritable acné, qui est rare et qui se présente sous forme de microkystes, de comédons ouverts et de nodules inflammatoires.
Attention, pas trop d’eau!
Le nouveau-né présente également une caractéristique physique particulière puisque son rapport surface/poids est trois fois supérieur à celui de l’adulte. Cela signifie qu’il existe chez lui un risque majoré d’intoxication par voie percutanée. Chez le prématuré, ce risque est encore majoré en raison du fait que la couche cornée est immature. Il faudra prendre garde aussi au moment privilégié du bain. Lorsque le corps est immergé, les couches cornées superficielles s’hydratent, provoquant une réduction de la cohésion cellulaire. Cette peau hyperhydratée est plus fragile, avec un seuil lésionnel à la friction diminué. Tout ceci conduit les spécialistes à conseiller une durée de bain n’excédant pas 5 minutes. Le savon ou le produit doit être d’un pH neutre pour la peau et donc acide. Le rinçage et le séchage doivent être soigneux. L’humidité résiduelle peut être la cause de dermite ou d’autres affections cutanées.
L’hydratation cutanée 24 heures après l’accouchement serait meilleure lorsque le vernix caseosa, l’enveloppe qui recouvre la peau du nouveau-né, n’a pas été éliminé dès la naissance, que s’il a été enlevé par une toilette précoce.
D’une couche à l’autre…
Parmi les dermites, la plus connue des parents est la dermite du siège, qui se caractérise par un érythème des zones convexes tout en épargnant les plis. Les dermites des langes peuvent être primaires ou secondaires, suivant que le port des langes est directement en cause ou pas. Les facteurs mécaniques dus à l’occlusion et la friction des langes. Par ailleurs, l’humidité et la température ainsi que l’irritation et la macération favorisent ce type de dermites, notamment par la production d’uréases et d’enzymes protéolytiques provoquant aussi une augmentation de la sensibilité aux agents irritants comme les savons et les crèmes, par exemple. La survenue de dermite par Candida albicans est également favorisée par les facteurs précédents et la dermite des langes en dresse souvent le lit. Dans ce cas-ci, l’aspect de l’atteinte est en forme de Y et il existe une atteinte des plis. Par ailleurs, des papulo-pustules sont présentes en périphérie. La dermite de contact est souvent de début plus aigu, avec un eczéma important siégeant classiquement à la face externe de la cuisse. Cette dermite est causée généralement par la colle des attaches des langes.
Avec douceur
Dans la dermite des langes, le traitement consistera essentiellement dans des mesures hygiéniques en utilisant des linges absorbants jetables; les changes doivent être fréquents. La plupart des spécialistes recommandent d’éviter les lingettes. Le petit truc est de laisser le body ouvert afin d’éviter les compressions. Par ailleurs, on veillera à protéger et à restaurer la peau abîmée par des couches épaisses de pâte à l’oxyde de Zinc, avec ou sans nitrate de miconazole. Pour C. Albicans, les mesures hygiéniques précédentes valent toujours, auxquelles on ajoutera une crème à la nystatine 2 fois par jour pendant 10 à 14 jours ainsi qu’une pâte au miconazole 0,25%. Le traitement per os ne sera envisagé que s’il existe un candidose orale associée. On évitera aussi les corticoïdes dans la mesure du possible, mais dans tous les cas en ne dépassant pas l’équivalent de 1% d’hydrocortisone, deux fois par jour pendant une semaine au maximum. Si la dermatite est réfractaire au traitement bien conduit, il faudra envisager une autre origine plus rare, ce qui mérite une consultation.
Atopie, eczéma, allergies
L’autre grande pathologie cutanée par sa fréquence est la dermatite atopique. Par définition, l’atopie implique que le nouveau-né présente une prédisposition génétique pour développer des réactions d’hypersensibilité immunitaire à certains allergènes, produits ou même microbes. La prévalence va croissante puisqu’elle n’était que de 5% en 1960 alors qu’elle atteint 15 à 20% aujourd’hui. Depuis les progrès de la biologie moléculaire, on sait que la maladie est polygénique. Elle implique notamment une mutation qui induit une perte de fonction du gène de la filaggrine, qui possède un rôle essentiel dans la formation de la couche cornée. Il y a notamment une perte d’intégrité de la barrière épidermique, entraînant une desquamation accrue, une perte hydrique et une pénétration potentielle plus importante des agents environnementaux. Le diagnostic est relativement simple, surtout si une histoire familiale d’atopie ou d’allergie est présente. La maladie se signe par une dermatose $ chronique ou récidivante accompagnée d’un prurit important. L’atteinte du visage est fréquente chez les enfants.
Prendre en charge sans tarder
Le prurit à lui seul justifie un traitement sans tarder, car les nourrissons souffrant de dermatite atopique présentent des troubles du sommeil 67 nuits par an en moyenne et 192 nuits par an si la dermatite atopique est sévère. Ceci engendre une altération de la qualité de vie non seulement de l’enfant, mais aussi de ses parents. Ainsi, 54% des enfants ont des troubles du comportement et 71% des parents disent souffrir psychologiquement: culpabilité, frustration, etc. L’objectif du traitement est de contrôler à court terme les symptômes aigus et d’obtenir une stabilisation à long terme. C’est pourquoi les moyens thérapeutiques mis en œuvre varieront selon la gravité et l’intensité des symptômes. Ainsi, dans les formes mineures, ont pourra se satisfaire de crèmes émollientes alors que dans les formes majeures, un traitement par photothérapie, voire un traitement systémique, pourront être proposés.
La durée du bain de bébé ne devrait pas excéder 5 minutes. Le savon ou le produit doit être d’un pH neutre pour la peau et donc acide. Le rinçage et le séchage doivent être soigneux, car l’humidité résiduelle peut être la cause de dermite ou d’autres affections cutanées.
Les émollients n’ont qu’une efficacité très relative lors des poussées, mais sont utiles entre celles-ci. Quant aux mesures d’hygiène, on recommande de laver l’enfant une fois par jour, de préférer les douches courtes (< 5 min) aux bains à l’eau tiède (33-35°C). Le séchage sera doux, par tamponnements. Les vêtements en coton ou en soie sont à préférer tout en maintenant une température fraîche sans trop couvrir afin d’éviter la transpiration et la macération.
Le traitement par corticoïdes topiques dans les formes modérées demande chez le nourrisson une prise en charge médicale. Dans tous les cas, la dose de 15g/mois ne peut pas être dépassée. Dans les formes sévères, les professionnels de la santé auront beaucoup à faire pour combattre la corticophobie, qui gagne 70 à 80% des parents, ce qui induit une non-adhérence au traitement dans 36% des cas.
Le prurit à lui seul justifie un traitement sans tarder, car les nourrissons souffrant de dermatite atopique présentent des troubles du sommeil 67 nuits par an en moyenne et 192 nuits par an si la dermatite atopique est sévère.
Par ailleurs, un bilan allergologique raisonné est également souhaitable dès le moment où la dermatite atopique demeure importante malgré un traitement bien conduit, que la maladie s’accompagne d’une stagnation ou d’une fracture de la courbe staturo-pondérale ou qu’elle soit associée à des manifestations d’allergies alimentaires, de contact et/ou respiratoires. En effet, en cas de dermatite atopique, le risque d’allergie alimentaire est de 35% et même jusque 65% si l’atopie est sévère.
Rôle du pharmacien
Il est important de pouvoir rassurer les parents sur les différentes options de prise en charge, ainsi que leur apprendre à bien utiliser les traitements aux doses correctes. La peau constitue un organe important pour tout un chacun, mais probablement encore plus pour le bébé. Le pharmacien a donc un rôle très important à jouer dans la prévention des pathologies et le traitement éventuel de la peau des bébés.
Isabel Marilles
Source: Pharma-Sphère