Les causes tout comme les facteurs favorisant la survenue du RGO sont multiples. Chez le nourrisson, il est physiologique par immaturité du sphincter intra-œsophagien. Il est rarement compliqué par d’autres troubles, mais il est conseillé d’y être attentif.
Pour bien comprendre, on se souviendra que la pression intrapleurale (au-dessus du diaphragme) est inférieure de 10mmHg à la pression atmosphérique. Cela signifie que l’œsophage qui se situe au même endroit subit aussi la dépression intrapleurale. À l’opposé, l’estomac est soumis à une pression de 0 à 5mmHg supérieure à la pression atmosphérique. C’est ce qui engendre un gradient de pression transdiaphragmatique et qui entraîne une remontée somme toute physique du contenu de l’estomac vers l’œsophage. Ceci se passerait s’il n’existait différentes barrières mécaniques, comme le sphincter inférieur de l’œsophage, qui normalement s’y oppose. Il ne s’agit pas anatomiquement d’un sphincter en tant que tel, mais d’une zone de haute pression de 15 à 25mmHg qui annule donc largement le gradient transdiaphragmatique.
Par ailleurs, le cardia est intra-abdominal. Il s’agit d’un véritable sphincter. C’est la partie la plus proximale de l’estomac faisant la jonction avec l’œsophage.
Il ne s’agit pas des mêmes tissus ni de la même protection tissulaire. Le pH œsophagien se situe à 5 ou 6 et est donc acide, mais bien moins que le pH stomacal qui est à 4. La relaxation anormale du sphincter gastro-œsophagien pendant 10 secondes ou même 30 à 45 secondes au lieu des 6 à 8 physiologiques représente le mécanisme principal du RGO.
Quels sont les facteurs favorisants?
Plusieurs éléments viennent s’additionner pour favoriser l’apparition d’un RGO. Les toxiques inhalés, comme le tabac et plus vraisemblablement la nicotine, sont per se des facteurs qui peuvent induire un RGO. Des aliments peuvent aussi en être responsables, comme les graisses, le chocolat, la caféine ou la théine, l’alcool et la menthe. Pour les médicaments, la liste est longue, mais on peut citer à titre d’exemple les Bêta2-stimulants, les oestroprogestatifs, les dérivés nitrés, les benzodiazépines, les anticholinergiques, etc. La progestérone induit aussi une relaxation du sphincter intra-œsophagien.
À côté de ce mécanisme lié au sphincter lui-même, d’autres facteurs sont importants, comme le ralentissement de la vidange gastrique. Environ 30% des adultes souffrant de RGO présentent une vidange ralentie. Ici, le contenu calorique du repas est un facteur essentiel. Plus ils sont longs et caloriques, plus ils prendront du temps à être digérés. Le débit d’évacuation gastrique est une constante de 150kcal/h. Il en est de même pour ce qui concerne le volume. Plus celui-ci est important, plus il prendra du temps à être évacué, plus le risque de RGO augmente.
Quels sont les symptômes?
Dans 40% des cas, le RGO s’exprime par un pyrosis et des régurgitations. Généralement, ces deux symptômes suffisent à poser le diagnostic, surtout s’ils surviennent lorsque le patient bascule la tête vers l’avant et lorsque le repas a été gras, épicé ou alcoolisé.
Néanmoins, des signes atypiques peuvent aussi l’évoquer, comme des brûlures épigastriques, un hoquet, des nausées, des éructations, etc. Par ailleurs, le RGO peut aussi se manifester par de la toux. Selon certaines études, un RGO sur deux est découvert au cours de maladies respiratoires chroniques comme l’asthme. Cependant, il s’agit aujourd’hui d’un lien controversé, chez l’enfant en tout cas.
Il peut exister aussi des manifestations ORL, comme des maux de gorge dus à des brûlures acides au niveau du pharynx, une atteinte laryngée et plus particulièrement des cordes vocales, voire même une atteinte auriculaire via les trompes d’Eustache. Dans certains cas sévères, on assiste aussi à une atteinte dentaire.
Qui est touché?
Le RGO est fréquent: il touche environ un adulte sur trois. Le RGO est fréquent s’il se manifeste au moins une fois par semaine, ce qui représente 8% de la population avec des reflux quotidiens dans un tiers des cas environ. Le délai entre l’apparition des symptômes et le diagnostic est long. Cela prend environ 1 an pour un tiers des sujets avant d’aller consulter. Après un an, ils sont 86% à consulter.
Qui est consulté et qui traite?
Sans surprise, les médecins généralistes et les gastroentérologues ou les deux sont les premiers concernés. Cela conduit le patient dans 58% des cas à subir une endoscopie, plus rarement une pH-métrie.
L’automédication est loin d’être rare, même si les médecins et les pharmaciens demeurent les premiers conseillers.
Quelles sont les conséquences ou les complications?
Le RGO a une évolution favorable dans la majorité des cas. Malheureusement, il peut apparaître également des œsophagites de reflux, des sténoses œsophagiennes. Les modifications histologiques de l’épithélium œsophagien se soldent par des métaplasies, des dysplasies, voire des néoplasies. Parmi les conséquences les mieux connues, on se souvient de l’œsophage dit de Barrett. Paradoxalement, plus le stade évolue, moins le patient évoque des plaintes. Stade utlime, le cancer œsophagien.
Quelles questions poser au patient?
• Son âge: après 60 ans, le risque de cancer est nettement augmenté et cela réclame une mise au point médicale.
• Ses antécédents: le diabète, la présence d’une hernie hiatale augmentent le risque, tout comme la grossesse.
• Ses traitements: on l’a dit, certains médicaments augmentent les risques.
• Son hygiène de vie: alcool, tabac, café, chocolat sont autant de facteurs favorisants évitables.
• Ses symptômes: à savoir un pyrosis, des régurgitations, une toux, etc. peuvent être évocateurs.
• Son poids et son état général: une perte de poids inexpliquée avec de tels symptômes peut évoquer un cancer œsophagien. On invitera le patient à consulter sans tarder.
• Ses pertes de sang: il s’agit d’un signal d’alarme! Toute perte de sang digestive haute ou basse demande une consultation en urgence.
Quels sont les traitements?
Ce sont les classiques anti-acides qui ont une efficacité limitée dans le temps, mais à la bonne posologie, ils peuvent aider très efficacement le patient à passer la crise ou à patienter jusqu’à la consultation suivante. Attention, ils ne sont pas sans effet secondaire. Par ailleurs, ils peuvent interagir avec d’autres médicaments pris par le patient. L’association avec les alginates a démontré son efficacité.
Les antisécrétoires comme les anti-H2 et les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) sont bien connus. Ils agissent en inhibant la sécrétion de l’HCl par les cellules pariétales.
Les prokinétiques peuvent également être utiles, mais ils sont dénués d’efficacité sur la cicatrisation puisqu’ils ne modifient pas le pH.
Le pharmacien à l’officine a donc un rôle majeur à jouer dans le dépistage, le conseil et le traitement du patient souffrant d’un RGO. En posant les bonnes questions face à une plainte (épi) gastrique, on peut faire gagner un temps précieux au patient pour qu’il obtienne le plus rapidement possible un traitement efficace et ainsi éviter autant que possible les conséquences parfois dramatiques de cette pathologie fréquente.
Pierre Vervaecke
Source: Pharma-Sphère