Qui dit cuisine, dit aussi herbes aromatiques et épices, qui ont souvent des propriétés digestives et carminatives. Par conséquent, en forme de prévention, ces dernières enrichiront avantageusement tous les plats. Les feuilles et les baies de laurier (Laurus nobilis) sont par exemple souvent utilisées en cuisine car elles parfument et stimulent l’appétit, mais elles facilitent aussi la digestion. Les graines de carvi (Carum carvi) soulagent les gaz, les ballonnements et les indigestions. Beaucoup d’autres plantes aromatiques sont aussi précieuses, telles que la marjolaine (Origanum majorana), la noix de muscade, le persil (Petroselinum crispum), le poivre noir (Piper nigrum), le romarin (Rosmarinus officinalis)… Les brûlures d’estomac sont ainsi soulagées par la cardamone, la cannelle, les clous de girofle, le fenouil, le gingembre… Sans oublier que la digestion commence dès qu’un aliment entre en bouche: on veillera donc à mâcher correctement en prenant son temps. Ensuite, si le repas a été trop riche, trop gras ou mangé trop vite, ou s’il entraîne une impression de lourdeur sur l’estomac ou de digestion lente, la phytothérapie permettra d’éviter de dépenser trop d’énergie pour digérer. Voici quelques plantes clés.
Gingembre
La première d’entre elles est le gingembre: selon l’usage traditionnel, la racine du Zingiber officinale peut être utilisée chez l’adulte pour le traitement symptomatique des troubles légers de l’estomac ou de l’intestin (notamment ballonnements, flatulences, coliques, diarrhée…), ainsi que chez l’adulte et l’enfant de plus de 6 ans pour le traitement des symptômes du mal des transports. Le mode d’action du gingembre n’est pas totalement connu mais on suppose qu’il agit en bloquant certains récepteurs de l’hormone 5HT, la sérotonine, qui interviennent dans la contraction des muscles lisses de l’estomac et de l’intestin. Lorsque la sérotonine se fixe sur ces récepteurs, elle induit les nausées et les vomissements. La médecine traditionnelle recherche donc cet effet anti-émétique pour prévenir ou traiter les nausées. Aujourd’hui, des études montrent son intérêt pour soulager les nausées induites par la chimiothérapie, ou encore en post-opératoire, chez les femmes enceintes ou en cas de mal des transports. Le gingembre, pris en association avec des extraits de feuille d’artichaut (Cynara cardunculus), est un traitement efficace de la dyspepsie fonctionnelle, en stimulant la vidange gastrique.
Mélisse, matricaire et menthe
La feuille de mélisse (Melissa officinale), sur base de l’ancienneté de son usage, peut être utilisée pour atténuer les sensations de lourdeurs digestives après le repas. L’Agence européenne du médicament recommande la feuille de mélisse uniquement chez les adultes et les enfants de plus de 12 ans et convie à consulter un médecin si les symptômes persistent plus de deux semaines. La fleur de matricaire ou camomille allemande (Matricaria recutita L.) soulage les symptômes gastro-intestinaux mineurs (estomac et intestin), tels que les ballonnements et les spasmes légers. C’est un adjuvant dans le traitement des inflammations mineures du tractus gastro intestinal. Les préparations à base de fleurs de matricaire ne doivent pas être utilisées chez les patients allergiques à ces fleurs ou à d’autres plantes de la famille des Astéracées (échinacée, chardon-Marie, bardane…).
La feuille de menthe poivrée (Mentha piperita) est traditionnellement utilisée pour soulager les symptômes des troubles digestifs tels que dyspepsie et flatulence. Attention cependant à l’hypersensibilité à la menthe ou au menthol. Les patients souffrant de RGO devraient aussi éviter d’en prendre parce qu’elle peut accentuer le brûlant.
Réglisse et curcuma
La racine de réglisse (Glycyrrhiza glabra), riche en flavonoïdes et glycyrrhizine, est traditionnellement utilisée pour soulager les symptômes digestifs comme la sensation de brûlant et la dyspepsie. L’un de ses principes actifs, l’acide glycyrrhétinique (enoxolone), exerce une activité anti-ulcéreuse. La réglisse et le curcuma ont un effet anti-inflammatoire et anti-acide. Des études ont démontré que la curcumine, le principe actif présent dans le rhizome de Curcuma longa, agit sur l’inflammation de l’intestin, sur sa perméabilité et sur l’axe cerveau-intestin, notamment dans le cadre des troubles gastro-intestinaux. La réglisse est contre-indiquée chez les patients souffrant d’hypertension, de troubles hépato-biliaires ou de cirrhose, d’hypokaliémie, et d’insuffisance rénale, ainsi que chez la femme enceinte. Il faut aussi éviter la prise concomitante de diurétiques thiazidiques, de digitaliques, de corticostéroïdes, de laxatifs ou d’autres médicaments qui peuvent agir sur l’équilibre des électrolytes.
Épices
Comme dit en préambule, les herbes aromatiques et les épices qui agissent sur la digestion au sens large sont légion. Le fruit du fenouil doux (Foeniculum vulgare), par exemple, a des effets relaxants, anti-inflammatoires et antimicrobiens, utilisés dans le traitement des douleurs spasmodiques légères d’origine gastro-intestinale et de la toux associée aux rhumes. Autre ingrédient fréquent dans nos cuisines, l’écorce de cannelle (Cinnamomum) sert traditionnellement à traiter les troubles dyspeptiques, la perte d’appétit et les douleurs abdominales accompagnant la diarrhée. Mais on peut aussi se tourner vers les graines de cardamone (Elettaria cardamomum), la feuille de Boldo (Peumus boldus) ou encore la racine de guimauve, dont le nom latin Althaea officinalis vient du grec «altho», guérir…
Huiles essentielles
• L’HE d’estragon, obtenue à partir des parties aériennes fleuries d’Artemisia dracunculus riches en méthyl-chavicol, a des vertus apéritives et digestives.
• L’HE de basilic (Ocimum basilicum), dont les sommités fleuries sont également une source de méthyl-chavicol, apaise les troubles digestifs tels que les nausées de la femme enceinte, les ballonnements et la constipation. L’estragon et le basilic sont les HE anti-ballonement par excellence.
• L’HE de menthe poivrée, riche en menthol (qui est spasmolytique sur le côlon) et en menthone, permet de lutter contre l’indigestion et le mal des transports. Elle est contre-indiquée chez la femme enceinte et les bébés.
Phn Martine Versonne
Pharma-Sphère
Sources
- ema.europa.eu
- apps.who.int
Références
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2. Evid Based Complement Altern Med 2015;2015:915087
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4. BMC Complement Altern Med 2017;17(1):204
5. Pediatrics 2017;139(6):e20170062
6. Electron Physician 2016;819:3024-31
7. Curr Gastroenterol Rep 2016;18(4):19